Barthélemy Bimbenet (1771-1794)
Benguin sur la carte de Cassini - Source gallica.bnf.fr /site internet.
Un combat spirituel sous la terreur.
Le texte, ci-dessous, est extrait en partie de l'ouvrage du Chanoine J. Gallerand, Docteur ès Lettres de l'Université de Paris, Diplômé de l'Ecole des Gautes Etudes : Un combat spirituel sous la terreur, Barthélemy Bimbenet 1771-1794, Musée diocésain d'art religieux , Blois, 1989.
Barthélemy Bimbenet est né le 16 mars 1771 au hameau de Banguin à Courmemin, fils du sieur François Bimbenet et de dame Marie-Madeleine Françoise Bertheaume.
Il est baptisé dès le lendemain ; son parrain est Barthélemy Bimbenet, notaire royal et procureur fiscal du comté de Cheverny.
"Cinq enfants naquirent du couple Bimbenet-Bertheaume, soit à Banguin, soit à Bracieux, où habitaient les grands-parents maternels : ce furent, outre Barthélemy, Jean-François Frédéric (19 janvier 1767), François-René (22 février 1768), Félix-César (25 juin 1772) et Gentien-Samuel (15 mars 1776)". [..]
Selon l'usage bourgeois du temps, on s'habitua à les désigner sous le nom d'une des terres de la famille : l'un s'appela de L'Ebat, un autre du Terte, un autre de la Hissonnière ; Barthélemy eut le titre de La Roche : c'était un étang de la paroisse de Mur-de-Sologne.
[..]Les Bimbenet étaient à l'aise ; ils possédaient de nombreuses métairies : Sanconnay (Soconné aujourd'hui) Banguin, Les Portes-Brûlées, La Dindinière à Courmemin ; les Rajollières, Le Mesnil-Druillay, La Gravelle, Les Grandes et les Petites-Coutannières, Varenne, La Corbelière à Mur, La Bardonnière à Dhuizon ; Cheverelle, La Bernetterie à Neung ; Les Gâts, Les Champs à Soings ; La Bonne, La Grefferie à Fontaines ; L'Ebat, La Vernasière à Cour-Cheverny , Le Tertre à Thoury ; La Billonnerie à Monthault ; des terres, des étangs et des maisons à Vernou et ailleurs encore [..]. Jusqu'en 1789, la famille Bimbenet vit à Banguin. [..]La maison était toute campagnarde : trois corps de bâtiments encadraient une cour fermée par une porte cochère ; l'aile centrale comprenait la cuisine et "la salle" ; l'aile gauche des chambres, attenantes aux étables, aux granges et à la bergerie ; l'aile droite le logement des fermiers ; deux boisselées d'un jardin planté d'arbres fruitiers joignaient l'habitation.
Là s'écoulèrent les années d'enfance de Barthélemy et son caractère turbulent, rebelle à l'obéissance, contrastait avec l'apaisante douceur de ce cadre.
Le collège ne le dompta pas. Le mirage des armes le hantait. Un beau jour de 1787, âgé seulement de seize ans et demi, il s'engagera contre le gré de ses parents au 73e d'infanterie, le régiment Royal Comtois.
Le 4 mai 1791, le père meurt à l'age de cinquante trois ans. Barthélemy a vingt ans et est présent aux obsèques. C''est sur lui que retombent les charges du chef de famille : car des deux aînés, Jean François Frédéric achève son séminaire à Paris,et François René est allé chercher fortune aux Antilles.
Sa mère essaya bien de la garder près d'elle, mais en 1792, [..] il repart à nouveau et elle ne sut plus ce qu'il était devenu. Il avait passé la frontière et s'était engagé dans la Gendarmerie des Princes.
Suite à ces "absences" (Félix-César parti aux colonies, Jean-François le séminariste ne paraissant plus et Barthélemy hors des frontières) les enfants Bimbenet furent prévenus d'émigration et tombèrent sous le coup de la loi du 8 avril 1792 qui prononçait la mise sous séquestre des biens des émigrés.
"Dès lors Madame Bimbenet sentit peser sur elle la responsabilité de l'émigration de ses fils" : elle multiplia les démarches afin d'obtenir, pour ceux de ses enfants "restés fidèles à la patrie" la liquidation compliquée de la succession. [..]"Elle dut même, dans l'intérêt de sa famille, porter des accusations graves contre son fils".
Tantôt à Blois, tantôt à Banguin, elle essayait de parer à toutes difficultés. De lourdes taxes lui furent imposées. De plus, elle vit vendre, "comme mobilier d'émigré", tout ce que contenait la maison d'Ebat. Les scellés furent maintenus près de deux ans, dans sa maison de Blois et dans toutes ses métairies.
On ne sait pas comment le jeune "gendarme des Princes" passa d'une vie plutôt dissipée à une "vie dévote"., mais une lettre prouve que dès le temps de son émigration, il était converti.
Vers la fin de 1792, le corps auquel il appartenait fut licencié et il décide de revenir en France.
Emigré rentré, "ayant porté les armes contre la France", il s'exposait à la peine de mort, en vertu du décret du 23 octobre 1792.
[..] "Il y avait trois mois que Barthélemy était là, quand le Comité central créé par Talien porta la Terreur à son paroxysme. Dans la nuit du 28 février 1793, gardes nationaux et gendarmes visitaient les maisons de la ville à la recherche des prêtres et émigrés rentrés. Blois n'étant pas sûr, Barthélemy partit pour Orléans" [..]. Etant proscrit il usa d'un subterfuge en se présentant comme postulant capucin et se faisant appeler frère Zozime. Il se cache chez les demoiselles Barberon, en compagnie de M Ploquin, ancien économe du petit séminaire de Saint-Sulpice. Comme il était prudent de parer à toute éventualité, les deux soeurs avaient aménagé, en cas d'alerte, un cabinet secret au fond d'une pièce au rez-de-chaussée.
Dans cette maison Barthélemy menait une vie toute claustrale. Il sortait peu ; il étudiait le latin.
Du fond de leur cachette orléanaise, les deux reclus entretenaient une correspondance suivie avec leur famille et amis.
[..] "Durant tout l'été 1793, ils ne furent point inquiétés, mais en septembre la police se mit en chasse, et la maison où se cachaient les deux amis fut visitée. Au premier bruit de l'irruption, Barthélemy se cacha. Les policiers visitèrent toutes les pièces, découvrirent les lits, ne trouvèrent pas la cachette, mais surent que quelqu'un venait de s'enfuir "[..].
Les policiers, lors d'une nouvelle perquisition, découvriront des papiers compromettants, prouvant la présence de prêtres dans la maison.
Ces découvertes conduiront les deux fugitifs à se rendre. depuis des mois, Barthélemy s'attendait à cette destinée. Il y avait préparé sa famille. Il l'avait envisagé avec allégresse, il parla même dans une lettre de cet "heureux moment" de la nuit du 23 septembre.
Les interrogatoires de Barthelémy et de M. Ploquin furent très longs.
Maintenant, le tribunal criminel avait entre les mains un dossier de première importance, d'où ressortait le triple délit de prêtre déportable, d'émigré rentré et de receleuses. Quelles armes la législation lui fournissait-elle contre ces coupables ? Pour le cas de Barthelémy c'était la peine de mort : les termes de la loi du 28 mars 1793 étaient formels. Mais pour le cas de l'abbé Ploquin aucun décret n'était encore forgé qui prononçât directement une sentence capitale ; le décret du 23 avril ne parlait que de déportation à la Guyane.
"L'affaire ne traîna pas, le 14 septembre on transfert les accusés à la Conciergerie : durant le voyage, tout fut consolation, les visages rencontrés aux étapes n'avaient rien d'hostile ; [..] la vue du prêtre, du jeune homme, des deux pauvres demoiselles provoquait sympathie et "tristesse" .
Le convoi atteignit Paris le dimanche 15 septembre.
Le lendemain Barthelémy fit connaissance avec ses compagnons de geole. Alors commença pour lui, "à leur contact et sous leur direction, cet admirable noviciat de martyr où, durant cinq mois, achèverait de s'épurer son âme" [..].
Deux jours après leur arrivée à la Conciergerie, les accusés orléanais montèrent au Tribunal. La "séance fut brève, il s'agissait seulement d'obtenir la confirmation des aveux sur les points essentiels. Pas d'interrogatoire, mais plutôt la simple constatation d'identité. [..] Pas de dépositions de témoins, mais a lecture intégrale de l'acte d'accusation, l'avalanche des griefs".
Les jurés doivent se prononcer sur deux faits :
- le premier fait amenait la question : Barthèlemy est t'il l'auteur ou complice de conspiration contre le peuple français tendant à faciliter l'entrée du territoire de la République aux despotes coalisés ?.
- le second fait engendre une deuxième question qui concerne les trois autres accusés : sont-ils complices de cette conspiration ?.
La délibération des jurés sera courte. Le verdict sera l'application de la loi qui condamne à la mort.
"La mort pour tous. [..] C'est fini : les biens des condamnés seront confisqués, leurs papiers seront brûlés, l'exécution aura lieu dans les vingt quatre heures sur la place de la Révolution". [..] Barthélemy a écouté la sentence, il n'est pas étonné : il savait dès le début qu'elle serait telle".
Barthélemy fut conduit, avec M. Ploquin, dans" une des chambres du greffe, qu'on appelait "la chambre d'attente".
"Vers quatre heures, la charrette vint chercher sa cargaison quotidienne. Barthèlemy y prit place avec ses compagnons, trois prêtres les accompagnaient. [..] Tout le long du parcours, une telle expression de sérénité et de gaité éclairait le visage de Barthélemy que ceux qui le regardaient en furent frappés".
Il est conduit sur la place de la Révolution...
"Il vit immoler avant lui ses trois compagnons. [..] Quand ce fut son tour de gravir les degrés de l'échafaud, "alors son coeur ne put se contenir, en montant il chantait de toute son âme, de toutes ses forces, le psaume des allégresses sacrées : "Laudate dominum omnes gentes"... au moment, ou il disait le "Gloria Patri", le couperet tomba".