Brèves de journaux 2
Un drame au dessus de Courmemin en 1875
Le drame se déroulait dans un aérostat au dessus du territoire de la commune.
Trois hommes se trouvaient à bord : Henri Théodore Sivel, ancien capitaine au long cours, né en 1834 ; Joseph Eustache Crocé-Spinelli, inventeur, né en 1843 ; Gaston Tissandier, chimiste et inventeur, né en 1843. Ils ont déja effectué ensemble des ascensions les 23 et 24 mars dans ce même ballon pour étudier la constitution physique et chimique de l'air.
Le "Zénith", parti de l'usine à gaz de la Villette, a atterri aux Mereaux ou Néreaux, commune de Ciron, entre Saint-Gauthier et Le Blanc (Indre). Au cours du voyage, deux des trois hommes sont morts, frappés d'apoplexie pulmonaire causée par la raréfaction de l'air.
Voici la lettre adressée par M. Gaston Tissandier (seul survivant) à la Société de navigation aérienne pour l'informer des péripéties de son voyage :
L'ascension de l'usine à gaz de la Villette s'est bien accomplie ; à une heure de l'après-midi nous étions à plus de 5 000 mètres (pression 400), nous avions fait passer l'air dans les tubes à potasse, tâté nos pulsations, mesuré la température intérieure du ballon qui était plus de 20°, tandis que l'air extérieur était de -5°, Sivel avait arrimé la nacelle, Crocé s'était servi de son spectroscope. Nous nous sentions tout joyeux.
Silvel jette du lest bientôt nous montons, tout en respirant de l'oxygène, qui produit un effet excellent. A 1heure 20, le baromètre marque 320, nous sommes à l'altitude de 7 000 ; la température est de 10°. Sivel et Crocé sont pâles et je me sens faible. Je respire de l'oxygène qui me ranime un peu. Nous montons encore. [..] Je me sens tout à coup si faible que je ne peux même pas tourner la tête pour regarder mes compagnons qui, je crois, se sont assis.[..] je vois passer l'aiguille passer sur le chiffre de la pression 290, puis 280 qu'elle dépasse Je veux m'écrier :"nous sommes à 8 000 mètres" mais ma langue est presque paralysée [..] je tombe inerte, perdant absolument le souvenir : il était environ 1 heure et demie.
A 2 h. 8 je me reveille un moment, le ballon descendait rapidement, j'ai pu couper un sac de lest pour arrêter la vitesse, et écrire sur mon registre de bord les lignes suivantes que je recopie : "Nous descendons. Température 8°, je jette lest, H = 315. Nous descendons, Sivel et Crocé encore évanouis au fond de la nacelle. Nous descendons très fort".
[..] quelques moments après je me sens secouer par les bras et je reconnais Crocé qui s'est ranimé : "jetez du lest nous descendons" Mais c'est à peine si je puis ouvrir les yeux [..] je me rappelle que Crocé a détaché l'aspirateur qu'il a jeté par dessus bord, et qu'il a jeté du lest, des couvertures, etc.. Tout cela est un souvenir extrémement confus [..].
Que s'est-il passé ? Je suppose que le ballon, délesté, imperméable comme il était et très chaud, a remonté encore une fois dans les hautes régions. A 3heures 15 environ, je rouvre les yeux [..] le ballon descend avec une vitesse effrayante, la nacelle est balancée avec violence et décrit de grandes oscillations [..] Mes deux compagnons étaient accroupis dans la nacelle, la tête cachée sous leurs manteaux. Je rassemble mes forces et essaie de les soulever. Sivel avait la figure noire, les yeux ternes, la bouche béante et remplie de sang ; Crocé-Spinelli avait les yeux fermés et la bouche ensanglantée. Vous dire ce qui se passa alors m'est impossible.
[..]bientôt la terre se rapproche. Je veux saisir mon couteau pour couper la cordelette de l'ancre, impossible de le retrouver, J'étais comme fou [..] par bonheur j'ai pu détacher l'ancre au moment voulu. Le choc à terre fut d'une violence extrème. Le ballon sembla s'aplanir et je crus qu'il allait rester sur place, mais le vent était violent et l'entraina. L'ancre ne mordait pas et la nacelle glissait à plat sur les champs. [..]j'ai pu saisir la corde de la soupape et ballon n'a pas tardé à se vider, puis à s'éventrer sur un arbre. Il était quatre heures.
[..] j'ai été auprès de mes malheureux compagnonsqui étaient déjà froids et crispés. J'ai fait porter leurs corps à l'abri dans une grange voisine [..] Je suis à Ciron, prés Le Blanc (Indre).
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